Jurisprudence « concurrente » sur la résolution d'une clause de non-concurrence

Compromis entre le salarié et l'employeur - mots pertinents pour ce qui est de l'institution de la clause de non-concurrence. 

Les deux parties font des concessions lorsque l'une fournit une compensation financière et que l'autre tolère une limitation temporaire du droit. La réglementation légale se trouve à l'article 310 de la loi n° 262/2006 Rec., Code du travail. Ce dernier prévoit les conditions suivantes pour une clause de non-concurrence : 

Dans le premier paragraphe, elle définit une durée maximale d'un an et un montant minimum de compensation pécuniaire correspondant à la moitié du salaire mensuel moyen pour chaque mois d'exécution du contrat.

Ensuite, elle prévoit qu'elle ne peut être conclue que si le salarié, dans le cadre de son travail, a acquis des informations et des connaissances auprès de l'employeur qui pourraient nuire à ce dernier en cas d'utilisation concurrentielle par le salarié.

La clause de non-concurrence doit être convenue par écrit. 

Par ailleurs, l'article 310, paragraphe 4, du Code du travail réglemente la possibilité pour l'employeur de se retirer d'une clause de non-concurrence. C'est justement cette question que l'article aborde. Plus précisément, il s'agit d'analyser l’évolution de la jurisprudence.

Le Code du travail, et donc les dispositions relatives à la clause, doivent être interprétés dans l'esprit de l'article 1a, paragraphe 1, point a), qui garantit la protection du salarié en tant que partie faible. C'est ici que se pose le problème d'interprétation qui consiste à déterminer si la résolution de la clause de non-concurrence sera ou non dans l'intérêt de la protection du travailleur lui-même. En effet, d'une part, la rétractation de la clause prive le salarié d'une éventuelle compensation financière, mais d'autre part, elle ne le limite pas dans sa recherche d'emploi. Après avoir déterminé si la résolution est ou non dans l'intérêt du travailleur, il est possible d'évaluer s’il convient de favoriser une interprétation qui rend la résolution plus ou moins possible.

Sur la base de cette interprétation, il est possible de répondre à la question suivante : existe-t-il déjà une autorisation générale légale permettant à l'employeur de se retirer de la clause sans autres formalités, ou est-il au contraire nécessaire que les parties conviennent contractuellement de la possibilité de retrait ? Un tel accord doit être établi par écrit dans la clause ; la loi ne fait que prévoir la possibilité d'un retrait. Ce qui favorise la protection de la partie faible.

Toutefois, la jurisprudence relative à la résolution sans indication de motifs a historiquement varié en fonction de l'interprétation. Est-il donc possible de se retirer de la clause sans indication de motif, tout en maintenant la protection de l'employé, ou non ?

Décision de la Cour suprême, n° 21 Cdo 4986/2010

La Cour suprême a statué que « l'employeur et le salarié ne peuvent se retirer de la clause de non-concurrence que pour une raison prévue par la loi ou pour une raison convenue par les parties ». Une clause de non-concurrence est dans l'intérêt et pour la protection de l'employé et, par conséquent, un accord qui permet d'y mettre fin sans indication de motif est inadmissible. 

Décision de la Cour constitutionnelle 

Le changement de la pratique jurisprudentielle susmentionnée de la Cour suprême a été initié par la décision de la Cour constitutionnelle du 21 mai 2021, n° II ÚS 1889/19, dans laquelle la Cour constitutionnelle a conclu, entre autres, que « l'interdiction jurisprudentielle globale des dispositions contractuelles permettant à un employeur de se retirer d'une clause de non-concurrence sans indication de motif est un rajout judiciaire à la loi qui n'est pas conforme à la Constitution ».

Elle note que l'objectif premier d'une clause de non-concurrence n'est pas de fournir une compensation pécuniaire à un salarié pour le désavantage qu'il subit dans la recherche d'un nouvel emploi ; elle vise à protéger le secret des affaires. Le salarié est donc tout au contraire désavantagé par la clause en vigueur. Il est par conséquent dans son intérêt (et donc dans l'esprit de l'article 1a(1)(a) du Code du travail) que la clause de non-concurrence soit retirée.

L'impossibilité pour l'employeur de se retirer unilatéralement de la clause de non-concurrence « sans donner de raison “ ou ” pour une raison quelconque » peut également être considérée comme l'expression d'une violation du droit constitutionnellement garanti à la liberté de choisir et de se préparer à une profession, ainsi que du droit d'exercer une activité commerciale ou une autre activité économique (article 26, paragraphe 1, de la Charte des droits et libertés fondamentaux).

« L'employeur a le droit de se retirer d'une clause de non-concurrence sans donner de raison si cette possibilité a été expressément convenue par les parties. Cela ne signifie pas pour autant que le salarié, en tant que partie typiquement plus faible dans la relation de travail, ne devrait pas bénéficier d'une protection judiciaire contre l'arbitraire ou l'abus potentiel de ce droit par l'employeur ». La situation sera évaluée individuellement.

En théorie, il existe une présomption réfutable que la résolution de l'employeur a été faite de bonne foi, sauf objection contraire du salarié. La charge de la preuve incombe toutefois à ce dernier.

Réplique de la Cour suprême

Suite à la décision susmentionnée, la Grande chambre de la Cour suprême a appliqué la décision de la Cour constitutionnelle et, dans son jugement du 13 décembre 2023, n° 31 Cdo 2955/2023, a complètement modifié la pratique existante de la Cour suprême. Le retrait d'une clause de non-concurrence sans indication de motif ne sera valable, conformément à la décision, que si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

  • La possibilité de se retirer d'une clause de non-concurrence sans indication de motif a été expressément convenue par les parties (voir l'article 2001 du Code civil) ;
  • Le retrait de la clause de non-concurrence est effectué pendant la durée de la relation de travail (voir l'article 310, paragraphe 4, du Code du travail) ;
  • La résolution de la clause de non-concurrence doit poursuivre un objectif légitime et ne doit pas entrer en conflit avec le principe de la protection des salariés ;
  • Le comportement de l'employeur n'est ni arbitraire ni un abus de sa faculté contractuelle de renoncer à la clause de non-concurrence, et les circonstances spécifiques de l'affaire doivent être évaluées en conséquence.

Conclusion

Nous revenons donc au terme « compromis » utilisé dans l'introduction. Et pas seulement dans le sens d'une concession, c'est-à-dire d'une « compensation pour des limitations » au sens figuré de « œil pour œil ». Mais aussi comme un compromis entre deux principes juridiques. Un équilibre doit être trouvé entre le principe de l'autonomie de la volonté contractuelle de l'employeur et le principe de la protection de la partie plus faible (ici le salarié). Entre la possibilité de conclure une résolution sans donner de raison et entre l'abus d'un tel arrangement contractuel.